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« Le Vieux Fusil » – le 1er César du Meilleur Film fête ses 50 ans

En août 1975 sortait « Le Vieux Fusil » de Robert Enrico. Quelques mois plus tard, il devenait le premier long-métrage à recevoir le César du Meilleur Film. Retour sur un classique, tragique et poignant, du cinéma français.

Il est sans doute l’un des films les plus durs, sinon glaçants, du cinéma français. Nous sommes en 1944, dans une France occupée où se mêlent terreur, collaboration, résistance passive ou active. Julien, incarné par Philippe Noiret, est médecin. La fin de la guerre se fait sentir, les Allemands connaissent leurs premières débâcles. Julien sent les tensions monter, dans une période charnière où tout est encore possible avant qu’ils ne dégagent pour de bon.

Pour éviter tout danger, il ordonne alors à sa femme Clara, jouée par Romy Schneider, et sa fille, de partir quelques jours dans leur village-refuge, au fin fond de la France paisible et tranquille, isolée du tumulte allemand ressenti en ville. C’est finalement au cours d’un week-end de retrouvailles qu’il découvre une horreur insoutenable venue dévaster tout un village. Nourri par la vengeance, noirci par le traumatisme, dévasté par l’amour brisé, il décide de faire la peau à tous les soldats allemands qui sont encore là, en s’armant de son vieux fusil…

Le Vieux Fusil

© Copyright DR

Le public assiste alors à une sorte de Revenge Movie à la française, où la fiction prend pour décor la Seconde Guerre Mondiale. Mais surtout, à une plongée dans la psychologie d’un homme dévasté par l’horreur, dont les actes sont nourris par le choc du présent et les réminiscences de moments passés. Plus qu’un film de guerre donc, Robert Enrico veut décrire le parcours d’un homme banal, chez qui tout bascule inévitablement, du jour au lendemain, de la manière la plus injuste et dégueulasse possible, en raison de circonstances extérieures. Le personnage de Philippe Noiret n’a, de prime abord, pas l’apparence d’un héros : par la force des choses, il devient acteur de la situation. La beauté et les sourires de Romy Schneider incarnent quant à eux, dans des séquences nostalgiques, l’idéal des joies envolées, des amours parfaits et du passé familial.

Fort impact émotionnel

Très librement inspiré de massacres tels que celui d’Oradour-sur-Glane, LE VIEUX FUSIL est un film magnifique, lourd, intense, dérangeant et sinistre. Dans ce long-métrage, Robert Enrico n’hésite pas à brutaliser le public, installe un climat pesant, crée un impact émotionnel très fort qui trouve son apogée dans une séquence au lance-flamme aussi marquante qu’épouvantable.

Pour avoir cet effet glaçant qu’il ne lâche pas tout au long du film, le réalisateur joue sans cesse avec l’image, le son, la musique, mais aussi les contrastes. On se souvient du bruit du lance-flamme, de la musique effroyable qui le précède, puis des rires des bourreaux lorsqu’ils visionnent de vieilles archives familiales, dans une séquence à la fois cynique et voyeuriste.

Le réalisateur sait comment tenir son public, appuie sur la plaie pour mieux l’impliquer et saisir le traumatisme. Les incessants flashbacks accentuent la dramaturgie, voire le côté tire-larme du film, tout en voulant constamment justifier l’esprit de vengeance.

Le vieux fusil

© Copyright Mercure-TIT _ DR

Par son degré de violence et son ambiguïté morale, le film divise très fortement la critique de l’époque.  « Obscène » selon Libération, « abject » pour les Cahiers du Cinéma. Il trouve cependant un certain succès auprès des spectateurs. Trois millions de personnes se déplacent, à partir d’août 1975, pour découvrir celui qui deviendra le premier César du Meilleur Film de l’Histoire. Philippe Noiret sera quant à lui le premier à être récompensé du César du Meilleur Acteur, et François de Roubaix recevra le César de la Meilleure Musique. Preuve de l’impact qu’il aura laissé, LE VIEUX FUSIL obtiendra également le César des César en 1985, récompense décernée à l’un des « Meilleurs Films » des dix années précédentes pour ses qualités artistiques et techniques.

Horreurs de l’Occupation

Le film sort également dans un contexte particulier pour le cinéma hexagonal, et plus généralement pour la société française qui commence à questionner différemment l’Occupation, à construire une autre vision, celle d’une France moins résistante et moins héroïque qu’on a pu le dire, tout en continuant à évoquer les traumatismes et l’horreur de cette période douloureuse. Le film montre une violence extrême, une Loi du Talion guidée par des raisons personnelles plutôt que par une volonté farouchement « résistante » de Julien / Philippe Noiret, éloigné de l’incarnation héroïque traditionnelle, comme n’importe quel autre individu aurait pu le faire à sa place.

Le vieux fusil

© Photo DR

Le rôle de Romy Schneider, une femme torturée et anéantie par la barbarie, en est aussi le témoignage. On se souvient indubitablement de son jeu impressionnant dans la scène la plus marquante du film. Le tournage de cette séquence était, semble-t-il, si lourd, et l’interprétation si juste, si bouleversante, que les personnes présentes sur le plateau en étaient stupéfaites. 

Sa participation dans ce long-métrage n’a d’ailleurs rien d’un hasard. L’actrice souhaitait s’investir dans des films aux thématiques fortes. Avec ce long-métrage, qui prend de front les atrocités commises par les Nazis, elle s’inscrit symboliquement dans un mouvement initié avec LE TRAIN, film sur la déportation des Juifs dans lequel elle partage l’affiche avec Jean-Louis Trintignant. Il s’agit pour elle d’une volonté très forte de dénoncer les crimes de guerre, et par conséquent de se distancier symboliquement du passé controversé de sa mère, l’actrice Magda Schneider, dont les liens avec le parti nazi sont troubles.

L’actrice n’aura pas le privilège de recevoir le César de la Meilleure Actrice pour sa performance dans LE VIEUX FUSIL. Elle l’obtiendra néanmoins, la même année, pour un autre rôle de femme brisée par la violence du monde, dans L’IMPORTANT C’EST D’AIMER d’Andrzej Zulawski. Une œuvre toute aussi majeure du cinéma français des années 1970.

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