La montée en puissance du cinéma écologique en France : entre engagement et défis de production
Longtemps cantonnés au format documentaire, les films environnementaux connaissent aujourd’hui un nouvel essor grâce à la fiction.
De plus en plus de producteurs et de réalisateurs choisissent de traiter des questions écologiques en les intégrant à des récits captivants, touchant ainsi un public diversifié.
Jusqu’à récemment, ces thématiques étaient souvent perçues comme marginales et risquées sur le plan commercial. Mais aujourd’hui, des structures comme Pyramide Productions accompagnent des projets ambitieux alliant engagement et exigence artistique, à l’image du film Goliath (2022).
Ce thriller, qui dénonce les dérives de l’industrie agrochimique, illustre la capacité de la fiction à sensibiliser et à éveiller les consciences tout en divertissant.
Réalisé par Frédéric Tellier et porté par Pierre Niney, Goliath s’inspire d’une lutte judiciaire réelle entre un petit village et un géant industriel accusé de pollution toxique. Le film démontre la puissance émotionnelle du cinéma, qui va au-delà du simple constat documentaire.
Cette prise de risque a payé : Goliath a bénéficié d’une belle visibilité critique et commerciale, prouvant qu’un récit écologique peut toucher un large public.
Diversité des genres et des approches
Cette capacité du cinéma français à allier genre et engagement se retrouve également dans d’autres films qui abordent la thématique écologique à travers une grande diversité de styles et de tonalités.
Qu’il s’agisse du drame intime Petit Paysan (2017) d’Hubert Charuel, qui suit un jeune éleveur confronté à une crise sanitaire menaçant son troupeau et révèle la fragilité du lien entre l’homme et la nature, ou de la comédie documentaire Demain (2015), qui a su toucher un large public en mêlant optimisme et solutions concrètes.
On peut également citer Donne-moi des ailes (2019) de Nicolas Vanier, une aventure familiale qui sensibilise à la biodiversité à travers l’histoire d’un adolescent aidant son père à réintroduire une espèce d’oies sauvages menacée.
D’autres œuvres mêlent enjeux sociaux et environnementaux, à l’image de Un autre monde (2021) de Stéphane Brizé : plus social qu’écologique au premier abord, ce film interroge pourtant les limites d’un modèle industriel en crise et la nécessité d’une transition écologique.
Dans cette même veine, Les Algues vertes (2023) de Pierre Jolivet, inspiré de l’enquête de la journaliste Inès Léraud sur les marées vertes en Bretagne, dénonce les conséquences sanitaires et écologiques de ce phénomène, tout en suivant le combat des lanceurs d’alerte et des associations pour la préservation de l’environnement.

Vers un ancrage durable du cinéma vert
Ce phénomène ne relève pas d’un simple effet de mode. Selon un rapport du CNC, les films de fiction traitant d’écologie représentent aujourd’hui 15 % des projets en développement, contre 5 % il y a dix ans. Ce chiffre traduit un changement profond : la volonté d’ancrer les questions environnementales dans des histoires qui résonnent avec les inquiétudes des spectateurs.
En touchant un public parfois réticent aux documentaires, la fiction élargit le cercle de la prise de conscience. Elle permet aussi d’explorer des futurs possibles, parfois dystopiques mais porteurs d’espoir. Drame intime, comédie ou thriller : chaque genre devient un terrain de jeu pour porter la voix de la planète.
Ce cinéma engagé agit aussi en coulisses, avec une transformation des pratiques de production. De plus en plus de tournages adoptent des démarches écoresponsables, renforçant la cohérence entre le message porté à l’écran et les gestes concrets sur le terrain. Le CNC soutient ce mouvement avec son Plan Action !, visant à réduire l’impact carbone et à former les équipes aux bonnes pratiques.
Ainsi, le cinéma français témoigne de sa capacité à évoluer et à s’adapter aux enjeux contemporains. Entre ambitions artistiques, stratégies commerciales et pratiques durables, producteurs et réalisateurs jouent un rôle central dans la transformation d’une industrie qui doit désormais faire rimer divertissement et conscience environnementale.

Le cinéma américain, entre grand spectacle et message environnemental
À l’inverse, le cinéma américain, souvent doté de budgets plus conséquents, se tourne volontiers vers le genre du film catastrophe climatique ou de la science-fiction écologique pour sensibiliser le public tout en offrant un grand spectacle.
On pense par exemple à Le Jour d’après (2004) de Roland Emmerich, qui imagine un cataclysme planétaire provoqué par le dérèglement climatique et explore les conséquences humaines et politiques d’un tel scénario.
Plus récemment, Dune (2021) de Denis Villeneuve revisite l’univers créé par Frank Herbert à travers une épopée où la planète Arrakis, désertique et soumise à une exploitation intensive, devient un symbole puissant de la fragilité des écosystèmes et des dérives d’un système extractiviste. Le réalisateur québécois souligne ainsi la dimension écologique de son œuvre :
« Nous savons collectivement que notre monde vacille en silence, sous nos yeux. Nous entendons quotidiennement les échos apocalyptiques des scientifiques qui prédisent un effondrement de l’équilibre de nos écosystèmes, mais nous ne bronchons qu’à peine. C’est une des raisons pour lesquelles je crois que Dune est complètement actuel. »
Ces films, entre science-fiction et thriller, montrent comment la fiction peut dépasser la simple dénonciation pour éveiller les consciences et offrir une réflexion profonde sur notre rapport à l’environnement.
Le vert, nouvelle couleur du grand écran
Le défi reste de taille : financer ces projets, équilibrer message et divertissement, convaincre un public parfois frileux. Mais le pari porte ses fruits, confirmant que la fiction peut devenir un levier majeur de sensibilisation et d’action collective.
En racontant la planète en danger, le 7e art prouve qu’il est capable d’émouvoir, d’informer et d’agir. Le vert est à la nature ce que les salles obscures sont au cinéma : un espace de respiration et d’éveil des consciences.
Enfin, les festivals de cinéma généralistes comme Cannes, Berlin ou Venise commencent à programmer ces films engagés, leur offrant une visibilité internationale et renforçant leur impact auprès d’un public encore plus large.
T’rès instructif!
Merci pour cet analyse et cet éclairage fin et original.
Que c’est original de considérer le cinéma sous cet angle là…..le cinéma au secours de l’écologie ou le cinéma écologiquement responsable !!! bravo ,!on doit en passer par là, et surtout commencer par ça !!!!