cinefeeel-mecenat-symbole-noir

Influence du cinéma français – épisode 2 : quand Mad Max inspire Chaplin

Max Linder: pas qu'un cinéma

Qui se souvient de Max Linder à part quelques irréductibles cinéphiles du 24 boulevard Poissonnière à Paris, là où règne depuis 1919 la mythique salle du Max Linder Panorama, alors une des salles de cinéma les plus modernes d’Europe. Achetée en 1914 par Max Linder lui-même, repris par Pathé en 1932, rénovée en 1957, tombée en faillite en 1984, reprise en 1987 et enfin revendue en 2004 à l’actuelle gérante Claudine Cornillat, le Max Linder est le lieu de rendez-vous Art et essai le plus glamour qui soit pour les intellos du cinéma du monde entier.

Qui est ce Mad Max français ?

Que diraient les fondamentalistes de la Nouvelle Vague s’ils savaient que le gourou qui a bâti leur temple était… un acteur burlesque ? Très loin d’avoir ne serait-ce qu’une once de ressemblance avec l’autre gourou du lieu, Godard —à part peut-être d’avoir fait des films en noir et blanc tous les deux— Max Linder, star incontestée des années post-Chaplin, car oui, il y a eu un cinéma avant Charlie Chaplin, était une des plus grandes vedettes comiques du muet en France et à l’international.

Max Linder

Max Linder en 1914

Comment Gabriel-Maximilien Leuvielle, né en 1883 dans un coin oublié de Gironde a largement influencé Charlie Chaplin pour la création de son immortel vagabond ? D’abord, parce que le cinéma est français, comme cette chronique tend régulièrement à vous le prouver ! Hollywood n’a fait que profiter de la Première Guerre mondiale pour développer les innovations technologiques françaises à l’arrêt dans une Europe paralysée par le conflit. Pour exemple, Pathé à Joinville a dû détourner une partie de son activité pour fournir du matériel de lunettes de protection et d’optique à l’armée.

Une ascension fulgurante

Durant les premières années qui ont suivi l’invention du cinéma par les frères Lumière jusqu’à la Première Guerre mondiale, soit de 1895 à 1914, la nette supériorité de la France dans le domaine est indéniable, connue et enviée de tous.

C’est dans cette période que le jeune Gabriel-Maximilien Leuvielle entre au Conservatoire de Bordeaux d’où il est renvoyé en deuxième année pour s’être violemment opposé à un professeur. Ce qui ne l’empêche nullement de continuer à jouer le répertoire classique, mais sous le pseudonyme de Max Lacerda, une demande de son père pour conserver l’honneur des Leuvielle. Mais Lacerda… bof ! Au hasard d’une ballade à Bordeaux, Max passe devant le magasin de chaussures Linder. Lacerda se transforme en Linder et Gabriel-Maximilien en Max Linder ! On est en 1904, l’année ou Max Linder monte à Paris.

Charlie Chaplin et Max Linder

Un an plus tard, il est engagé par la maison Pathé pour faire du cinématographe comme on disait à cette époque. 10 ans avant Charlie Chaplin, Max Linder est scénariste, réalisateur et acteur à raison d’un film par jour !

Ses costumes élégants, avec chapeau haut de forme, parfois melon comme Charlot et petite moustache, le personnage de Max et ses aventures rocambolesques font le tour du monde et, en 1908 Linder devient l’acteur principal des studios Pathé.

La première star internationale

En  1912, le jeune Chaplin encore inconnu débarque aux Etats-Unis depuis son Angleterre natale avec la troupe de pantomimes de Fred Karno pour une tournée de quelques mois. Il a 23 ans, Max Linder en a 6 de plus et déjà une centaine de courts-métrages à son actif. En 1910 Linder est reconnu comme la toute première star internationale de cinéma, notamment grâce à la publicité que lui fait Pathé —la France précédant là encore Hollywood de quelques années !— Ses courts-métrages dans lesquels il incarne tour à tour un toréador, un pédicure, un maître d’hôtel, un magicien, un professeur de tango ou un médecin sont bien sûr vu par Chaplin qui s’intéresse de près à ce nouveau moyen d’expression muet, parfait pour un comédien de pantomime.

En 1913, au sixième mois de sa tournée américaine, Chaplin est remarqué sur scène par un responsable de la New York Motion Picture Company qui lui propose de remplacer un des comédiens du studio Keystone à Los Angeles. Chaplin signe pour un an et part pour la Californie… où il restera une trentaine d’années avant d’être chassé par le maccarthysme.

Et Max Linder créa Charlot !

Le premier court-métrage de Charlie Chaplin, Pour gagner sa vie, sort en 1914. Le personnage de Charlot n’est pas encore né et le film ne lui plaît pas. Il cherche, il réfléchit. Il a vu les films de Max Linder, il a observé sa méthode, son jeu d’acteur, le montage de ses films. Petit à petit, son cinéma se perfectionne, son personnage séduit, ses films deviennent des succès: le mythe Chaplin est né.

Charlie Chaplin a souvent salué Max Linder comme son professeur. En effet, on trouve dans le personnage de Charlot beaucoup de similitudes avec celui de Max. Pour ne citer que quelques exemples: la manière de courir après les trams ou d’autres moyens de transport qui est un classique chez Chaplin, les situations où Max se fait duper et se trouve dans des mésaventures absurdes qu’il réussit à éviter habilement. Autant d’éléments narratifs inventés pour l’image par Linder qui ont inspiré la construction des gags de Chaplin où le vagabond se sort de l’infortune avec humour et débrouillardise.

Photo © Maud Linder – Editions Montparnasse

Chaplin a invité plusieurs fois son mentor à lui rendre visite dans ses studios de Los Angeles, reconnaissant en lui un précurseur du comique au cinéma. Il lui a rendu hommage en dédicaçant Charlot Soldat avec ces mots: « For the unique Max, the great master – his student Charles Chaplin. »

Hollywood prend le dessus

La guerre de 1914, comme dit plus haut, stoppe net le formidable essor du cinéma français, et par la même occasion, la carrière de Max Linder qui est envoyé au front où il est intoxiqué par des gaz mortels, redoutables armes chimiques de la Première Guerre mondiale. En 1916, il s’estime suffisamment rétabli pour débuter la carrière américaine proposée par les studios Essanay que Chaplin vient de quitter.

Sur les douze films prévus, Linder ne pourra en tourner que trois trahit par une santé plus fragile qu’il ne le pensait. Retour en France, séjours en sanatorium puis fin 1919 tentative de reconquête de l’Amérique à Hollywwod, devenue au fil de la guerre, capitale mondiale du cinéma.

Il va produire, scénariser, mettre en scène et interpréter trois longs métrages devenus des classiques: Sept Ans de Malheur célèbre pour la scène du miroir rejouée par les Marx Brothers, Soyez ma Femme, et ce qu’il considère comme son meilleur film L’Étroit Mousquetaire.

Exténué, dans un état de santé catastrophique, Max Linder est à nouveau obligé de quitter les Etats-Unis pour se soigner en France. Commence alors une lente descente aux enfers.

Une triste fin et un féminicide

La fin de Max Linder n’est pas des plus louables même si le sujet est souvent pieusement éludé dans les biographies.

En 1921 il a 37 ans quand il rencontre, à Chamonix où il se repose, une jeune fille de 16 ans, Hélène Peters. Il veut l’épouser, mais la mère d’Hélène oppose un refus catégorique qui finit par sauter suite au scandale médiatique de cette liaison avec une fille mineure de 20 ans plus jeune. S’en suivent 4 années d’une vie plus ou moins chaotique entre déboires professionnels, ennuis de santé, et jalousie maladive. Le 23 février 1924 en tournage à Vienne, Linder tente de se suicider et, impensable projet; d’emporter sa femme dans son suicide. Hélène, enceinte de cinq mois ! se méfie des agissements d’un mari devenu infernal. Elle simule boire le verre de barbiturique qu’il lui demande d’avaler, appelle les secours et sauve Linder. Malheureusement, elle n’échappera pas à la seconde tentative qui sera finalement… une réussite.

Max Linder - Scène du miroir dans _Sept Ans de Malheur_

Max Linder – Scène du miroir dans Sept Ans de Malheur

Le 31 octobre 1925, le couple, devenu parents d’une petite Maud, est retrouvé mort dans un appartement de l’hôtel Baltimore à Paris, les veines tailladées. Mac Linder, toujours obsédé de faire croire à un suicide romanesque à deux, alors qu’en réalité l’idée même que sa femme puisse connaître d’autres hommes l’insupporte —comme presque toujours dans les féminicides— oblige Hélène, cette fois sous la menace de son revolver, à boire le verre de Gardenal (barbiturique à effet sédatif et hypnotique). Il en vide également un verre, avant de sectionner l’artère gauche de sa femme, puis la sienne.

Un début glorieux, une fin minable. Reste un cinéma 24 boulevard Poissonnière à Paris, et Maud Linder, petite orpheline devenue également réalisatrice, disparue à son tour en 2017.

5 1 vote
Note de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Les ateliers et les rencontres avec des professionnels du cinéma constituent une autre facette essentielle des événements cinématographiques à Lyon. Le Festival Lumière, en particulier, propose des Masterclass animées par des réalisateurs, des acteurs et des critiques de cinéma renommés.

Découvrez les coulisses de la création cinématographique et échangez avec des figures emblématiques du 7e art. Tout se déroule dans le Village du Festival Lumière, installé dans le parc de l’Institut Lumière.

Le village est un lieu de rencontre où le public et les invités peuvent se retrouver autour de stands de DVD, de librairies spécialisées dans le cinéma. Ces interactions enrichissent l’expérience cinématographique et favorisent la transmission des connaissances et des passions entre les générations de cinéphiles.

Les Fonds de dotation à Lyon permettent de mettre en relation des jeunes talents, des producteurs locaux et des mécènes du cinéma. Le but ? Soutenir le mécénat culturel et les projets audiovisuels indépendants.

Outre le Festival Lumière, Lyon accueille tout au long de l’année divers événements cinématographiques. Les « Nuits du cinéma » proposent des marathons de films cultes, tandis que des projections de films muets accompagnés de musique live offrent une expérience unique.

Des séances familiales et des événements accessibles à tous les publics, des enfants aux personnes âgées, renforcent la passion pour le 7e art et maintiennent une culture cinématographique vivante dans la ville.

pictogramme-oeil-3-bordure
Surprise
Abonnez-vous à notre newsletter
Uppercut

Ici, on vous décrypte l’actualité ciné et ses bons plans poing par poing.

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x