Depuis toujours, le Festival d’Avignon est avant tout un sanctuaire du théâtre, un lieu où le souffle vivant des comédiens résonne dans l’instantanéité de la scène.
Mais à l’aube de cette édition 2025, le cinéma s’invite comme un prolongement naturel, sans chercher à lui faire concurrence. Ensemble, théâtre et cinéma partagent un même geste fondamental : donner voix aux histoires, aux émotions, aux questionnements qui traversent notre époque.
Ce dialogue fertile se manifeste pleinement dans la programmation de cette année, où les films choisis ne se contentent pas de s’affirmer comme des œuvres autonomes, mais viennent enrichir le récit vivant du festival.
Un prolongement du théâtre, pas une concurrence
Le cinéma ne vient pas voler la vedette à la scène. Il vient l’accompagner, la prolonger, en lui offrant un autre cadre, une autre temporalité.
Le théâtre vit dans l’instant ; le cinéma capte la durée. Ensemble, ils racontent autrement, mais poursuivent le même geste : celui de dire le monde. Prenons l’exemple du long métrage Avignon de Johann Dionnet, présenté dans le programme 2025.
Le héros, comédien sans renom, invente sa place dans le festival à force de mensonges, de tracts et d’espoirs malmenés. Il devient le reflet d’un théâtre parallèle, celui des invisibles qui peuplent les rues et rêvent d’affiches. Ce film est une déclaration d’amour ironique et tendre à ce festival, en en révélant les coulisses avec autant de rires que de mélancolie.
Un miroir des écritures contemporaines
Les films choisis dans le cadre du cycle Territoires cinématographiques parlent des mêmes blessures, des mêmes élans que les pièces jouées dans les cloîtres et les gymnases. Ils interrogent la langue, l’exil, la perte, le corps, à travers d’autres prismes, souvent documentaires ou poétiques.
Ainsi, Casa de lava de Pedro Costa (Portugal), projeté en 2025 en dialogue avec la chorégraphe Marlene Monteiro Freitas, transforme l’écran en un espace de solitude brûlante.
Une infirmière accompagne un homme inconscient sur son île natale au Cap-Vert. Les gestes remplacent les mots. Le silence devient récit. C’est un théâtre du regard, une dramaturgie du non-dit qui prolonge l’esthétique avignonnaise par d’autres moyens.
Autres moments forts de cette édition 2025 :
Les Filles du Nil de Nada Riyadh et Ayman El Amir (Égypte), qui suit un groupe de jeunes femmes danseuses au Caire, entre répression et renaissance.
L’Homme d’argile de Anaïs Tellenne (France), film étrange et sensuel autour d’un gardien de château muet et d’une cantatrice qui l’éveille à lui-même : un conte moderne aux airs de tragédie grecque.


Une autre façon de raconter
Théâtre et cinéma, au festival d’Avignon, ne se superposent pas. Ils dialoguent. L’un fait appel au souffle, à la présence brute. L’autre, à la composition, à la mémoire. En les plaçant côte à côte, le festival invite à penser les récits dans leur pluralité, à faire tomber les barrières de genre. Ce n’est plus une juxtaposition de formes, mais un écosystème d’histoires.
Un enjeu de territoire et de transmission
Enfin, associer le cinéma au festival d’Avignon, c’est aussi ouvrir Avignon à d’autres cultures et à d’autres publics. En 2025, cela passe par la projection de films de jeunes réalisateurs de Mossoul, par des œuvres venues d’Égypte ou du Brésil, ou encore par des films en langue arabe, portugaise ou kabyle.
C’est donner la parole à des voix minorées, comme le fait déjà le théâtre contemporain.
Oui, le cinéma a sa place à Avignon. Parce qu’il respire les mêmes colères, porte les mêmes questions, et cherche le même vertige que le théâtre.
Parce qu’il offre au spectateur une autre lumière pour mieux voir l’ombre.
Parce qu’il tisse, avec la scène, un lien plus nécessaire que jamais : celui de la transmission sensible des mondes en mutation.