Avec Dossier 137, Dominik Moll livre une œuvre dense, bouleversante et profondément politique, sur la justice sociale et le devoir de police.
Présenté en compétition officielle lors du dernier Festival de Cannes, DOSSIER 137 est le nouveau film de Dominik Moll. Le cinéaste revient trois ans après La Nuit du 12, qui lui avait valu le César de la meilleure réalisation, et du meilleur film.
Il se plonge à nouveau dans le quotidien de la police, non pas du côté de la PJ, mais cette fois-ci de l’IGPN, « police des polices », celle qui enquête sur d’autres policiers. Un service souvent sous haute tension, qu’il a pu infiltrer pendant plusieurs jours pour apréhender son fonctionnement.
Pour absorber les critiques dont elle fait doit faire face du côté des policiers eux-mêmes ou de la société civile. Et comprendre ce qui pousse des policiers à enquêter sur d’autres policiers.
Léa Drucker, un jeu tout en mesure et en justesse. Copyright : Fanny de Gouville.
Il a ainsi tenu à raconter l’un des cas les plus difficiles pour les enquêteurs, celui des violences urbaines, sous fond de crise politique et républicaine. Il prend ainsi pour décor le mouvement des Gilets Jaunes, se base sur les innombrables témoignages qu’il a collecté, mais aussi sur les affaires judiciaires réelles, pour construire un récit qui raisonne.
Le public suit alors l’enquête d’une commandante de l’IGPN, Stéphanie, incarnée de sans froid par Léa Drucker. Lors de la manifestation du 8 décembre 2018, un jeune garçon d’à peine 20 ans reçoit un tir de LBD.
Son crâne est fracturé. Il aura des séquelles à vie. La mission de l’enquêtrice est de savoir ce qu’il s’est passé ce soir-là. Son regard se portera sur quelques policiers de la BRI… Et sur cette famille de Saint-Dizier qui, partie à Paris dans un esprit de fête, revient encore plus brisée qu’elle ne l’était déjà par la société.
La quête d’exemplarité
Tout en mesure, avec technicité et précision, Dominik Moll livre là un film-citoyen, qui rend compte de la répression policière et questionne sur le sens de la justice. Justice sociale, justice humaine.
Avec le sens du suspense, propre au réalisateur, le récit effiloche, au gré de l’enquête, rebondissements et questionnements, distille un certain nombre de sujets retentissants, avec justesse.
La violence des rapports humains, la violence sociale, celle qui pousse désespérément à montrer son raz-le-bol dans les rues. Mais également, la solidarité policière, le malaise dans la profession, le rôle des syndicats, les débats éthiques au sein même de l’institution.
Aussi, le rapport avec la société. La peur de témoigner, « pour ne pas avoir d’ennui avec la police », notamment lorsqu’on est une personne issue de milieux défavorisés, dans les séquences émouvantes mettant en scène Guslagie Malanda (Saint-Omer).
« Si on ne fait pas ce travail, les policiers les plus sérieux vont partir et il ne restera plus que les ******** », dira Stéphanie, face à son ex-mari, lui-même flic. C’est ainsi qu’on pourrait résumer le sens profond du film. Entre colère et réflexion, le public sort de là atterré. A voir.
Pour l’IGPN, pas question de dénigrer ou soutenir la police. Juste la rendre exemplaire. Copyright : Fanny de Gouville.