Le réalisateur Johann Dionnet signe la recette parfaite pour aborder l’été : un peu d’amour et beaucoup d’humour pour une comédie qui joue la carte de la légèreté et l’assume à fond.
Les premières secondes du film sonnent comme un lever de rideau. Caché derrière, Stéphane (Baptiste Lecaplin), jette un coup d’œil inquiet et discret depuis l’estrade avant le début de la représentation. Les enfants sont excités, les adultes un peu moins.
En un plan, on comprend déjà les enjeux : la dualité entre l’art et le divertissement et plus précisément entre le « In », réservé aux pièces classiques et le « Off », plus populaire. Avignon, sorti mercredi 18 juin, est d’abord le premier film en tant que réalisateur de Johann Dionnet. C’est aussi un comédien passé par le théâtre de boulevard et la scène classique avant de connaître quelques seconds rôles.

© Photo Nolita cinéma
Avignon au sommet de l’Alpe d’Huez
Avant d’être un long-métrage, Avignon était un court nommé Je joue le Cid. Un essai transformé puisque Johann Dionnet obtient en janvier le Grand prix du Festival de L’Alpe d’Huez. On retrouve l’actrice Élisa Erka et la trame principale.
Son personnage principal, Stéphane, part avec sa troupe au Festival d’Avignon. Il y croise une ancienne camarade de conservatoire, Fanny, dont il tombe amoureux et va tout faire pour la séduire. Quitte à mentir et lui faire croire qu’il a un rôle dans Le Cid. En réalité, Stéphane joue dans une comédie aux allures potaches. Rien de bien sophistiqué.
Elle s’appelle Ma sœur s’incruste et possède un objectif simple mais efficace : faire rire les gens. Le film, lui, repose sur le même principe.
Dépasser le choc des cultures
L’opposition entre art et divertissement est un débat vieux comme le monde. Passer cet enjeu, il faut le transcender et le chemin le plus direct est évidemment le rire.
Le réalisateur et son co-scénariste Benoît Graffin peuvent d’abord compter sur une bonne plume pour y arriver. Leurs dialogues sont ciselés, l’intrigue commence tambour battant dans un bistrot avec trois acteurs échangeant aussi vite que s’ils étaient au théâtre.
Cette rapidité d’exécution, tant dans la mise en place de l’intrigue que dans les dialogues, peut d’abord déstabiliser. Mais elle a le mérite à nouveau de parler au spectateur en donnant le ton.
La bande de potes qu’on veut rencontrer l’été
Ce comique est parfaitement servi par des interprètes complètement investis. Pour Baptiste Lecaplin, c’est la confirmation avec un nouveau personnage principal. Il était parfait en Sébastien dans Libre et Assoupi.
Pour Avignon, il surfe sur le même registre, avec ce côté ado rêveur mais plein de répartie. Pour Alison Wheeler, on voit enfin, dans un second rôle bien écrit, à quel point sa spontanéité est une arme de comique redoutable.
On pourrait également citer tous les autres comédiens comme Élisa Erka, Lyes Salem ou encore Rudy Milstein. C’est comme si leurs personnages respectifs étaient faits sur-mesure. Outre leur talent, c’est aussi grâce à l’écriture.
Johann Dionnet fait preuve de générosité avec chaque membre de l’équipe. Enfin presque : la bobo perchée de Constance Carrelet reste une bobo perchée. Un petit sidekick pas toujours pertinent, mais qui s’intègre bien dans le groupe. On touche alors à la vraie force d’Avignon.
C’est un film de potes. Avec leurs évolutions et des intrigues entremêlées.

Avignon Love Avignon
La ville d’Avignon fait évidemment office de cadre idéal. Quoi de mieux qu’une ambiance festive et estivale pour une comédie ?
Encore davantage lorsqu’il s’agit de filmer la romance entre les deux personnages principaux. La magie opère en soirée lorsque Stéphane récite un extrait romantique du Cid à Fanny. Comme un symbole, on commence dans un petit amphithéâtre.
La caméra nous embarque dans des ruelles typiques de la cité avant que la déambulation ne débouche sur une place majestueusement illuminée de bougies qui impriment la rétine. Les mises en abyme comme celle-ci, entre théâtre et cinéma, sont légion. Celle qui réunit Rodrigue et Chimène à Stéphane et Fanny tire son épingle du jeu par deux éléments. D’abord, la rupture comique d’une ligne de dialogue bienvenue d’un figurant, puis, par la mise en scène.
Dans une émission du Cercle, Johann Dionnet évoque Birdman pour la virtuosité du dispositif en plan séquence. « Le plan séquence, c’est du théâtre » souligne-t-il. Rien d’étonnant à voir cette longue scène entre les deux amoureux tournée avec ce procédé. Ils se déclarent mutuellement leur flamme et Johann Dionnet en profite pour déclarer la sienne au théâtre.
Efficacité et sincérité
On retrouve dans cette idée toute l’efficacité et la sincérité du réalisateur. C’est ce qui permet de transcender l’opposition entre art et divertissement. Il assume le genre et le revendique.
Pour défendre la comédie populaire autour d’un verre, son personnage principal assène une réplique bien sentie au comédien arrogant et élitiste qui lui fait face. Une réponse drôle, désarmante et qui fait mouche. Fanny à côté esquisse un sourire amusé et le public aussi. Le contrat est rempli.
À la question « Faut-il opposer art et divertissement ? Vous avez quatre heures », Johann Dionnet y répond en moins de deux.