À la croisée du cinéma populaire et de récits engagés, Jean-Charles Levy construit une œuvre singulière. Il nous parle de ses choix de production, guidés par l’envie de raconter des histoires qui trouvent un écho large et sincère auprès du public.
Entre films grand public et récits liés à la mémoire collective, quelle est aujourd’hui la ligne directrice de votre travail de production ?
Produire un film, c’est pour moi une démarche artisanale, presque une confection sur mesure. Chaque projet est un engagement personnel, qui demande du temps, de l’écoute et beaucoup de précision. J’ai besoin de sentir une envie sincère : celle de voir le film exister, d’en porter la voix, ou de croire qu’il trouvera naturellement son public.
Ce qui me guide, c’est ce « supplément d’âme » : j’aime les films qui entretiennent un lien sensible avec le monde, qu’ils soient grand public ou plus intimes. Il y a toujours des histoires à aller chercher, à révéler, à transmettre. Ce sont elles qui dessinent peu à peu ma ligne de production.
En 2022, j’ai produit SHTTL d’Ady Walter, par exemple ; c’est un film tourné en Ukraine quelques mois avant l’invasion russe, il mêle une forme cinématographique audacieuse à un récit chargé d’histoire et d’émotion. Il incarne cette envie de faire des films à la fois intimes et universels.

Jean-Charles Levy
Justement, vous qui travaillez sur des projets souvent internationaux, qu’est-ce qui rend une histoire universelle selon vous ?
Une histoire devient universelle quand elle fait vibrer des émotions fondamentales et aborde des thèmes qui traversent les cultures. Il faut que le propos soit avant tout sincère, que ce soit pour les créateurs (réalisateur, scénariste, acteurs, … et producteur) mais également pour les plus de 100 techniciens qui permettent au projet d’exister … et jusqu’au distributeur qui proposera le film au public.
En 2016, j’ai produit La couleur de la victoire de Stephen Hopkins, un film sur Jesse Owens et les Jeux Olympiques de 1936. Au-delà du sport, il aborde le racisme et le dépassement de soi. C’est ce qui a permis au film de toucher un public très large, dans le monde entier. Il y avait là un écho universel.
Je pense que plus un récit est sincère et incarné, plus il peut dépasser les frontières. L’universel, ce n’est pas lisser les différences, c’est raconter quelque chose d’authentique qui parle à tout le monde.

extrait de « La couleur de la victoire » Stephan James est Jesse Owens. © photo : SquareOne/Universum
Quel est votre regard sur le rôle des plateformes de streaming dans le paysage cinématographique actuel ?
Je ne vois pas les plateformes comme une menace pour le cinéma, mais comme un espace complémentaire. Elles permettent d’explorer d’autres formats, d’atteindre un public mondial plus rapidement, et de donner une vie différente aux films.
J’ai eu l’occasion de m’y essayer avec Le Dernier Mercenaire de David Charhon, le premier film Netflix original français , avec Jean-Claude Van Damme. C’était une expérience forte, un très beau souvenir, et une manière différente de penser la production, tout en gardant le même niveau d’exigence et de plaisir.
Au fond, je cherche surtout à faire des films qui comptent — pour ceux qui les font, et pour ceux qui les regardent.
Un article super !