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Le souffle fragile du cinéma français : producteurs, salles et avenir du grand écran

Les producteurs montent au front

À l’automne 2025, les producteurs français multiplient les alertes : les organisations professionnelles (BLOC, BLIC, ARP) interpellent le gouvernement, pointent les menaces sur le crédit d’impôt cinéma et l’avenir du CNC, et pressent les parlementaires. Le message est clair : la création est en péril.

« La filière cinématographique française se mobilise unanimement contre un amendement au projet de loi de finances menaçant le crédit d’impôt cinéma. »

« Réduire ce dispositif provoquerait … des répercussions bien au-delà du seul secteur du cinéma. » 

Dans une lettre aux parlementaires, ces mêmes organisations soulignent :

« Il est impératif que cet amendement ne soit pas adopté sous peine de bloquer gravement le fonctionnement du CNC, avec de lourdes conséquences sur notre filière des industries techniques. » 

À cela s’ajoute un paradoxe très français : la production n’a jamais été aussi abondante (plus de 300 films par an) et pourtant une grande partie passe inaperçue. L’offre déborde, mais l’attention, elle, ne suit pas. Beaucoup de films disparaissent en une semaine, noyés dans le flux, sans le temps nécessaire pour construire un bouche-à-oreille.

Une salle qui peine à respirer

Depuis la pandémie, le public revient… mais par vagues irrégulières. Les chiffres le confirment : 181 millions d’entrées en 2024, nettement en dessous des 213 millions de 2019. En 2025, le recul est de près de 15 % sur les huit premiers mois. Les jeunes reviennent plus facilement, tandis que les spectateurs plus âgés se sont habitués aux sorties VOD et aux soirées canapé

« Ils me disent qu’ils préfèrent attendre que le film sorte chez eux », souffle Claire, directrice d’un cinéma indépendant près de Lyon. « Mais ce qu’ils ne voient pas, c’est que sans eux ici, certains films disparaîtront des écrans. Ils n’auront même plus la chance d’exister. »

L’été 2025, radieux et clément, n’a pas aidé : quand le soleil appelle, les salles se vident. Pas de rendez-vous événement, pas de titre fédérateur. L’offre n’a pas su créer de désir massif.

Cinéma Français

Réinventer la salle : des liens plus que des séances

Certains lieux réinventent leur rôle. À L’Entrepôt, à Paris, on propose des séances pour jeunes parents, des projections en plein air, ou des rencontres avec les cinéastes. « On ne vend pas une entrée, on vend un lien », sourit Damien, le régisseur. Le public répond, et la fréquentation remonte doucement.

D’autres misent sur l’expérience « premium » : écrans géants, fauteuils inclinables, son Dolby Atmos — le tout pour des billets à 19 ou 24 €. Une immersion sensorielle séduisante, mais qui exclut une partie du public.

Les organisations professionnelles rappellent : « Les salles doivent redevenir des lieux d’expérience et de partage. Mais si on oublie le financement des films et le soutien aux producteurs, il n’y aura rien à partager. »

Une économie sous tension

Le modèle économique du cinéma français est complexe. Les exploitants perçoivent la plus grande part de la billetterie et des revenus annexes (confiserie, privatisations). Les distributeurs prélèvent ensuite 25 à 35 %. Le producteur touche ce qui reste, sauf s’il cumule les casquettes. Réalisateurs et techniciens sont souvent rémunérés en amont, sans part sur les recettes.

Pour les « films du milieu » — comédies modestes, premiers longs, drames de société — la situation devient précaire. « Aujourd’hui, la pression pour que les films réussissent immédiatement est énorme », explique Julien, producteur de comédies et de films familiaux. « Beaucoup disparaissent avant même d’avoir eu le temps de rencontrer leur public. »

Nombre d’entrées et rentabilité

Pour qu’un film français soit rentable uniquement grâce à la billetterie, il faut atteindre un certain nombre d’entrées proportionnel à son budget. Les petits films (1 à 3 M€) nécessitent environ 1 million d’entrées, les films moyens (5 à 10 M€) environ 2 à 5 millions, et les gros films ou blockbusters (15 à 30 M€) doivent parfois dépasser 5 à 10 millions de spectateurs. Ces chiffres prennent en compte la part du producteur (~15 % du prix moyen du billet à 11 €). Mais la salle n’est plus seule : ventes internationales, diffusions TV, plateformes de streaming et aides publiques complètent désormais les revenus.

Le miracle, parfois, existe encore

Et pourtant, certains films brillent malgré tout. Un p’tit truc en plus, la comédie d’Artus, dépasse les huit millions d’entrées. Un bouche-à-oreille puissant, un casting attachant, une proposition sincère : la magie opère encore. Mais ce n’est pas le quotidien de tous. Dans un cinéma de province, Jean, projectionniste depuis 34 ans, observe les séances de 18 h se vider.

« Avant, même un mardi de novembre, on faisait salle pleine avec un bon polar. Aujourd’hui, je me retrouve avec trois spectateurs. On continue, parce qu’on y croit. Mais parfois, oui… on se sent un peu seuls.»

Familles, plateformes et soutiens publics : l’équation mouvante

Malgré la hausse du prix des billets (40 à 50 € pour une sortie familiale), de nombreuses familles continuent d’emmener leurs enfants au cinéma, parfois au prix de sacrifices. Les entrées en salles ne sont plus le seul moteur de rentabilité : ventes internationales, diffusion TV, plateformes de streaming, subventions et crédit d’impôt complètent désormais les revenus. Mais la salle reste cruciale pour la visibilité et la crédibilité d’un film.

Les producteurs saluent également des signaux positifs : l’accord avec Canal+ renforce le soutien aux films à budget modeste, et le CNC continue d’accompagner les auteurs émergents.

Garder vivant le cœur du cinéma

La France compte plus de 2 000 salles, l’un des réseaux les plus denses au monde. Les festivals stimulent, les exploitants innovent, les producteurs se mobilisent.

Mais pour que ce lien fragile perdure, il faudra plus qu’un fauteuil inclinable ou un bon film : il faudra du désir, du rêve et la fidélité d’un public prêt à traverser la ville pour plonger dans une histoire.

Le cinéma n’est pas mort.

Il attend simplement qu’on revienne respirer avec lui.

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