Un rituel populaire aux origines stratégiques
Chaque année, la Fête du Cinéma revient comme un rituel populaire : pendant plusieurs jours, toutes les séances sont proposées à tarif réduit dans la quasi-totalité des salles françaises. Une occasion de (re)mettre un pied dans les salles obscures… et de s’interroger sur l’avenir de cette expérience collective.
Créée en 1985 par la Fédération Nationale des Cinémas Français, l’opération visait à enrayer une baisse de fréquentation déjà perceptible. D’abord limitée à une seule journée, elle s’est progressivement étendue sur plusieurs jours, avec un tarif unique (aujourd’hui autour de 5 €), calée stratégiquement entre la fête de la musique et les grandes vacances. Son succès ne s’est pas démenti : chaque année, des millions de spectateurs renouent avec les salles dans une ambiance à la fois accessible et festive.
Des tarifs normaux qui refroidissent
Mais cette fête met aussi en lumière, par contraste, la cherté croissante des séances en temps normal. En 2025, une place coûte en moyenne plus de 11 €, et peut dépasser les 15 € dans certains formats premium comme l’IMAX ou la 4DX. Pour une famille, la sortie cinéma peut rapidement grimper au-delà de 50 €, sans compter les confiseries. Ce prix, souvent perçu comme un frein silencieux, éloigne certains publics : jeunes, étudiants, retraités… Face à des plateformes de streaming aux abonnements illimités et bon marché, la question se pose : le cinéma en salle est-il en train de devenir une sortie de luxe ?
Des réductions... mais un système peu lisible
Certes, des dispositifs d’abonnement ou des tarifs réduits existent. Mais la complexité de la grille tarifaire et son manque de lisibilité renforcent un sentiment d’inégalité.
À l’inverse, la Fête du Cinéma mise sur la clarté : un tarif unique, généralisé, qui crée un sentiment d’inclusion. Et le public répond présent. En 2024, l’événement a attiré 4,65 millions de spectateurs en quatre jours, soit une hausse de 50 % par rapport à l’année précédente.
Le dimanche 30 juin à lui seul a rassemblé plus de 1,4 million de tickets, du jamais-vu depuis 2019. À titre de comparaison, la fréquentation moyenne hebdomadaire hors période événementielle oscille généralement entre 2 et 2,5 millions d’entrées. La Fête du Cinéma fait donc plus que doubler cette moyenne en quelques jours.

Le plaisir de découvrir à moindre coût
Elle conserve un atout précieux : le goût de la découverte.
À tarif réduit, les spectateurs osent plus facilement s’aventurer vers un documentaire, un film d’auteur ou une œuvre étrangère. Pour beaucoup, c’est l’occasion d’explorer ce qu’ils n’auraient pas choisi à plein tarif. Un bon film pour le prix d’un café reste une promesse séduisante.
Un succès qui ne masque pas les fragilités du secteur
Pour autant, cette réussite ne masque pas les mutations profondes du secteur. L’arrivée massive des plateformes, la sortie simultanée de certains films en ligne et en salle, les nouvelles habitudes de consommation ont affaibli l’impact des opérations événementielles. Si la Fête du Cinéma reste un marqueur affectif, elle doit désormais s’adapter à un public plus fragmenté, plus sollicité, moins captif.
Édition 2025 : une programmation éclectique
Cette année, la Fête du Cinéma se tiendra du dimanche 29 juin au mercredi 2 juillet 2025.
Focus sur les films français à l’affiche :
- Ange (drame musical) de Tony Gatlif,
- 13 jours 13 nuits (thriller) de Martin Bourboulon,
- L’Aventura (comédie) de Sophie Letourneur,
- Rapaces (thriller) de Peter Dourountzis,
- L’Accident de piano (comédie) de Quentin Dupieux.
Autant de propositions aux tons variés, entre intensité, absurde et émotion.

Un modèle français unique, mais fragile
Le modèle français reste unique dans son soutien au cinéma en salle, mais son équilibre demeure fragile. À l’échelle européenne, la France affiche l’un des prix moyens les plus élevés : 11 € la place, contre 9,50 € en Allemagne, 7,80 € en Espagne, et parfois moins de 7 € en Italie. Seule la Suisse dépasse l’Hexagone, avec des billets à plus de 17 €. Ce différentiel alimente un débat essentiel : celui de l’accessibilité de la culture pour tous.
Une stratégie à double tempo pour relancer la salle
À l’image du Printemps du Cinéma, qui revient chaque mois de mars avec des séances à prix réduit, la Fête du Cinéma s’inscrit dans une stratégie complémentaire : deux temps forts annuels pensés pour réaffirmer l’attrait de la salle et raviver le plaisir du grand écran, à des périodes clés de l’année. Un double rendez-vous populaire qui vise aussi à rappeler que le cinéma est un bien culturel, pas un produit de privilégiés.