Ceci est la critique d’un film de fiction relatant la vie de personnes réelles, elles-mêmes critiques de cinéma qui ensuite feront à leur tour du cinéma ! vu au 7 Parnassiens, salles parisiennes intimement liées à la vraie nouvelle vague où Jean-Luc Godard et Agnès Varda ont tourné, respectivement « Sauve Qui Peut la Vie » et « Cléo de 5 à 7″.
Consanguinité cinématographique
Là déjà, je vois votre pouce prêt à scroller. N’en fais rien malheureux lecteur ! Ca n’est pas parce que l’on se fait des enfants parmi qu’ils seront forcément handicapés !
Si à l’évidence l’américain Richard Linklater, réalisateur de « Nouvelle Vague », idolâtre Jean-Luc Godard —comme à peu près tous les réalisateurs du cinéma indépendant US, allez savoir pourquoi ! Quentin Tarantino est allé jusqu’à baptiser sa boîte de prod A Band Apart, titre d’un film de Godard— « Nouvelle Vague » n’en reste pas moins une très bonne comédie divertissante dont la vulgarisation ne dépasse que rarement le 1er degré. Idéal pour un public lambada comme aurait dit Godard ! généralement plus attiré par un Tom Cruise faisant des loopings que par une Jean Seberg vendant le Herald Tribune dans le film d’un cinéaste franco-suisse considéré comme le plus soporifique au monde !
Saluons le travail des six scénaristes (deux Françaises et les deux scénaristes américains du réalisateur) qui parviennent à ne pas faire sombrer le film dans cette fausse idée commune d’une nouvelle vague peuplée d’intellos ennuyeux —étiquette que Godard a largement contribué à coller d’ailleurs, au détriment d’un Truffaut très accessible, d’une Varda et d’un Chabrol toujours amusants—.

Affiche française de Nouvelle Vague de Richard Linklater
Un titre racoleur mais erroné
Sans doute choisi pour une publicité plus impactante que, par exemple : « Dans le Cerveau de Jean-Luc Godard » qui serait davantage adapté au scénario, mais moins vendeur, « Nouvelle Vague » est un titre volé à… Jean-Luc Godard lui-même qui sortait en 1990 « Nouvelle Vague » à l’abri du succès comme souvent, malgré un Alain Delon bien malmené dans le rôle principal. Ironie du sort, on se souviendra sans doute du « Nouvelle Vague » de Richard Linklater alors que celui de Godard a été oublié dès sa sortie. Qu’importe, le paradoxe de Godard est que, contre vents et marées, son nom restera gravé à tout jamais dans l’histoire du cinéma même si la majorité de ses films sont irregardables. Celui de Linklater, il pourrait y avoir quelques respectueux doutes ! Ainsi va le cinéma.
En réalité, de la nouvelle vague, on n’en voit pas grand-chose. Le film se concentre essentiellement sur le rocambolesque tournage du premier film de Godard : « À Bout de Souffle » et sur ses supposés rapports avec ses comédiens principaux, Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo.

© ARP _ Jean-Louis Fernandez (Guillaume Marbeck et Richard Linklater)
Tenter de donner sa version de « l’énigme Godard « a été l’objectif de bon nombre de cinéastes sans qu’aucun ne parvienne vraiment à pénétrer les entrailles du phénomène. Un de ceux-là est Michel Hazanavicius avec « Le Redoutable » en 2017 dans lequel Louis Garrel —dont le père, Philippe, fut un proche de la nouvelle vague— est un Jean-Luc Godard très convaincant, assez proche de celui joué par Guillaume Marbeck (dont on parlera plus bas). « Le Redoutable » bien qu’en couleur, sans tentative de copier le style de l’époque, est curieusement très similaire dans l’esprit au film de Richard Linklater qui l’a très certainement visionné. Ce qu’il a peut-être omis d’étudier, ce sont les entrées très moyennes pour le film d’un réalisateur oscarisé. Signe que le sujet principal n’est pas si populaire qu’on le pense ? Réponse dans les semaines à venir.
Tribute to : “nouvelle vague”
Si « Nouvelle Vague » évite l’écueil d’un film intello pour cinéphiles érudits, il tombe tout de même dans la facilité de dialogues essentiellement composés de citations caricaturales (mais amusantes) « à la Godard » et de répliques « leçons de cinéma » de la part des personnages figurant les maîtres : Rossellini, Melville ou Depardon dans des situations où l’on se dirait plus volontiers « bonjour ». Aimable tentative de saupoudrer le film d’un peu de cinéphilie pour le grand public, mais un peu lourdingue parfois jusque dans le générique de fin avec le tube de Richard Antony… Nouvelle Vague !
« Nouvelle Vague » est un peu comme ces shows « tribute to » de sosies qui singent les Beatles, ABBA, Queen ou Pink Floyd avec plus ou moins de talent. Ça a le look, la couleur, parfois l’émotion, mais le moindre petit détail d’amateurisme peut tout faire basculer dans le ridicule. Là encore, le film réussit techniquement à rester crédible… grâce aux 8 millions d’euros de budget, principalement pour les effets spéciaux, les accessoires et la reconstitution très réussie d’un Paris des années nouvelle vague. Un comble pour un film censé célébrer la réalisation d’un film plus que low cost !
Casting : inconnu mais gagnant !
Bien entendu, les acteurs sont les pièces maîtresses du jeu. Dans ce jeu d’acteurs (entendez panoplie) aucun n’est connu, ce qui en fait une belle surprise qui renforce l’incarnation des personnages. Une haie d’honneur aux audacieux (et malheureusement trop peu nombreux) producteurs qui ont misé sur la compétence de comédiens inconnus plus que sur les sempiternels « bancable » censés être inévitables pour financer un projet de film.
Citons Guillaume Marbeck —dont c’est la première apparition à l’écran— qui propose une très intéressante idée que l’on pourrait se faire d’un Godard dans la vraie vie, hors interview. Petit à petit, Marbeck, qui ne lui ressemble pas plus que ça, parvient à nous convaincre qu’il est Godard pour finir par ne plus nous en faire douter.

Nouvelle Vague de Richard Linklater
L’Américaine Zoey Deutch, qui n’a rien à envier à Jean Seberg qu’elle transcende littéralement par un mimétisme parfait, a quant à elle un palmarès plus étoffé avec la série « The Politician » sur Netflix (pas forcément la plus regardée en France) et un petit rôle dans « Juré n°2 » de Clint Eastwood.
Aubry Dullin originaire de l’Hérault n’avait lui non plus jamais joué dans un film et le voilà dans la peau de l’acteur le plus cool du cinéma français: Jean-Paul Belmondo ! Comme avec Guillaume Marbeck, ça vient pas de suite, mais au bout d’un certain temps, Dullin nous emporte entièrement dans sa composition d’un Belmondo enjoué.
“The Artist” dans le miroir
En conclusion, même si « Nouvelle Vague » est un film peu inventif puisque copie de ce qui est déjà et que tout le monde peut voir sur Youtube sous forme d’interviews ou de documentaires d’époque (jusqu’au logo du film qui est l’exacte reproduction de celui de « A Bout de Souffle ») l’hommage que fait l’américain Richard Linklater à cette période culte du cinéma français n’est qu’un juste retour de celui du français Michel Hazanavicius (encore lui) au cinéma muet américain avec « The Artist ».
« Les Américains veulent envahir, car ils n’ont pas d’histoire. »
(Jean-Luc Godard dans « Hollywood contre Billancourt »)
Courez revoir « A Bout de Souffle » !

Nouvelle Vague de Richard Linklater