cinefeeel-mecenat-symbole-noir

Mektoub My Love : Canto Due, Clôture d’une épopée

Entre lumière estivale, sensualité, tensions sous-jacentes et amitiés fragiles, Mektoub, My Love : Canto Due vient sceller la fin d’une saga. Sorti en salle mercredi 3 décembre, le long métrage propose une ultime immersion dans l’univers d’Amin et de sa bande, déroulant un récit réaliste, intime et profondément humain, comme une ultime mélodie.

Pour comprendre l’évolution des personnages et la profondeur de cette histoire, il faut considérer la trilogie comme une succession de trois parties, chacune révélant une facette différente de la vie à Sète et des choix d’Amin.

Mektoub, My Love adopte une structure singulière : une histoire racontée en trois “chants”, à la manière d’une épopée contemporaine. Les dates de tournage et de présentation en festival sont essentielles à sa lecture : elles reflètent non seulement l’évolution des personnages, mais aussi le contexte de création et les choix artistiques du réalisateur, marqués par des pauses, controverses et expérimentations propres à chaque volet.

Canto Uno

Tourné entre 2016 et 2017, il suit Amin, jeune photographe rêveur, dans les journées lumineuses de Sète, entre plages, terrasses, fêtes et confidences. Présenté à Venise en 2017, il sort en mars 2018 et offre un regard délicat sur la jeunesse, le désir et l’amitié.

Intermezzo

Réalisé en 2017-2018 et centré sur une seule nuit de fête, il est présenté à Cannes en 2019. En raison de scènes particulièrement crues, il n’a jamais été exploité en salle et reste inédit pour le grand public.

Canto Due

Tourné en 2018, il referme l’histoire. Amin revient à Sète après ses études, confronté à ses ambitions et à ses doutes. L’arrivée d’un couple américain (Jessica, actrice en vacances avec son mari, producteur à Hollywood) perturbe son cercle d’amis et fait émerger des tensions longtemps latentes. Leur présence agit comme un révélateur : les désirs se déplacent, les amitiés se recomposent, et Jessica entraîne Amin et son cousin dans de nouvelles émotions.

Mektoub, My Love : Canto Due

Mektoub, My Love : Canto Due

À travers ces trois volets, ce cycle raconte la formation d’un regard (celui du cinéaste) autant que la transformation d’une jeunesse en quête de sa place, dans un monde où chaque décision peut infléchir une vie.

Une immersion rare dans le cinéma contemporain

La force de la narration réside autant dans le déroulement des événements que dans la manière dont l’image capte chaque geste et chaque dialogue, offrant au spectateur une expérience intime et participative. La caméra agit parfois comme une surveillance bienveillante : elle observe discrètement les silences et les détails du quotidien, tout en laissant surgir les dialogues avec une intensité naturelle.

Chaque échange, chaque hésitation devient un trésor de sincérité, donnant l’impression d’être un témoin privilégié de la vie des personnages. Les conversations du quotidien (simples, parfois banales) se chargent alors de sens, révélant les sensibilités et les contradictions de chacun. Cette proximité crée une immersion rare dans le cinéma contemporain, où le réel est saisi avec une intensité presque palpable.

Mektoub My Love Canto due

Ophélie Bau dans le film Mektoub My Love : Canto Due (2025). © Pathé.

Controverses et héritage du cinéaste

Cette approche immersive, bien que saluée, s’inscrit dans la continuité d’un metteur en scène dont le style a souvent suscité débats et controverses. En 2013, Abdellatif Kechiche remporte la Palme d’Or avec La Vie d’Adèle, une production acclamée mais dont le tournage fut décrit comme éprouvant par ses deux comédiennes, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, qui ont annoncé ne « jamais retravailler avec lui ».

Les rushs de Canto Due, tournés en 2018, témoignent à nouveau d’un processus exigeant. Le cinéaste a d’abord rencontré des difficultés à trouver un producteur : son style radical et les controverses passées avaient refroidi certains partenaires. Malgré ces obstacles, il a pu conserver sa liberté artistique, laissant le récit se déployer à son rythme et captant les détails du quotidien avec l’intensité qui caractérise son film.

Un cinéaste qui casse les codes

Cette liberté se manifeste dès le début de l’histoire, lorsque Jessica fait un caprice pour manger un couscous, obligeant le restaurant marocain à rallumer ses fourneaux. Elle le dévore d’une manière goulue et sauvage. Cette longue séquence établit immédiatement la vitalité et l’authenticité de son personnage : spontané, entier, insatiable de sensations, et crée le premier lien entre Jessica, son mari et la famille d’Amin.

Plus tard, lorsque l’histoire prend une tournure plus sombre, le récit glisse un regard frontal sur les préjugés sociaux : les premières pistes policières s’orientent instinctivement vers des hommes d’origine maghrébine, traduisant un réflexe de suspicion à demi-mot.

Mektoub My Love Canto due

Salim Kechiouche et Jessica Pennington dans Mektoub My Love : Canto Due (2025) © Pathé

Jessica Pennington : le personnage charnière qui illumine l’histoire

Le réalisateur se distingue par son audace narrative et son talent pour choisir des actrices capables de porter sa vision avec intensité. Dans Canto Due, Jessica Pennington incarne le personnage clé qui clôt l’histoire. Son jeu est exceptionnel : chaque geste, chaque regard et chaque émotion sont portés avec une intensité rare.

Ce qui rend son interprétation particulièrement fascinante, c’est le choix même de sa personnalité : spontanée, magnétique, parfaitement accordée à l’univers de l’œuvre. Elle devient un moteur dramatique capable de transformer les dynamiques du groupe et de susciter de nouvelles émotions.

Elle entraîne Amin et son cousin dans un univers émotionnel inédit. Leurs conversations, hésitations et élans (parfois naïfs, parfois stratégiques) déclenchent une série de tensions qui nourrissent la densité dramatique du film. Sous cette approche exigeante et frontale, Jessica Pennington a accepté une scène particulièrement crue : surveillée par une policière, elle est filmée de face alors qu’elle va aux toilettes et s’essuie. Réaliste et non sexualisée, cette séquence illustre la volonté du réalisateur de capter la vérité corporelle et la vulnérabilité de ses personnages sans artifice.

Avec Canto Due, Abdellatif Kechiche signe une conclusion subtile et puissante. Le cycle se referme comme un long chant d’été, un fragment de vie saisi dans sa simplicité et sa complexité. À travers Jessica et les autres personnages, le spectateur quitte non seulement des individus, mais un univers où émotions, désirs et tensions restent en suspens, laissant une impression durable de vérité et de fragilité humaine.

5 1 vote
Note de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Les ateliers et les rencontres avec des professionnels du cinéma constituent une autre facette essentielle des événements cinématographiques à Lyon. Le Festival Lumière, en particulier, propose des Masterclass animées par des réalisateurs, des acteurs et des critiques de cinéma renommés.

Découvrez les coulisses de la création cinématographique et échangez avec des figures emblématiques du 7e art. Tout se déroule dans le Village du Festival Lumière, installé dans le parc de l’Institut Lumière.

Le village est un lieu de rencontre où le public et les invités peuvent se retrouver autour de stands de DVD, de librairies spécialisées dans le cinéma. Ces interactions enrichissent l’expérience cinématographique et favorisent la transmission des connaissances et des passions entre les générations de cinéphiles.

Les Fonds de dotation à Lyon permettent de mettre en relation des jeunes talents, des producteurs locaux et des mécènes du cinéma. Le but ? Soutenir le mécénat culturel et les projets audiovisuels indépendants.

Outre le Festival Lumière, Lyon accueille tout au long de l’année divers événements cinématographiques. Les « Nuits du cinéma » proposent des marathons de films cultes, tandis que des projections de films muets accompagnés de musique live offrent une expérience unique.

Des séances familiales et des événements accessibles à tous les publics, des enfants aux personnes âgées, renforcent la passion pour le 7e art et maintiennent une culture cinématographique vivante dans la ville.

pictogramme-oeil-3-bordure
Surprise
Abonnez-vous à notre newsletter
Uppercut

Ici, on vous décrypte l’actualité ciné et ses bons plans poing par poing.

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x