Sorti cette semaine, Love Me Tender, d’Anna Cazenave-Cambet, s’impose déjà comme l’une des révélations de cette fin d’année. Adapté du roman éponyme de Constance Debré, le film suit Clémence (interprétée par une Vicky Krieps magistrale) une femme qui quitte son confort bourgeois et son ancienne vie hétérosexuelle pour assumer pleinement qui elle est. Mais ce choix, cette affirmation de liberté, va provoquer l’irréparable : la perte de la garde de son fils. Le film raconte ce basculement, cette fracture intime, avec une intensité rare.
Clémence essaie de rester à la fois mère, femme et libre — un équilibre presque impossible à maintenir quand la justice se mêle de sa vie intime. Antoine Reinartz incarne l’ex-mari qui, entre douceur et opacité, devient le point d’ancrage des normes sociales qui finissent par la broyer. Leur relation, filmée avec une grande précision émotionnelle, montre combien la liberté d’une femme peut encore déranger, et comment elle peut être utilisée contre elle.
Absolument captivante, l’actrice luxembourgeoise Vicky Krieps traverse le film avec un mélange saisissant de fragilité et de détermination. Elle donne à Clémence une humanité bouleversante, jamais héroïsée, toujours vraie. Antoine Reinartz, subtil et lumineux, apporte un contrepoint essentiel qui complexifie et enrichit chaque scène.
La réalisatrice Anna Cazenave-Cambet confirme ici sa place comme nouvelle voix du cinéma français. Elle adapte le texte de Constance Debré non pas en le reproduisant, mais en le réinventant : elle en garde l’énergie, la vision, le nerf, et les transforme en cinéma sensoriel. Son style privilégie les corps, les gestes, les respirations. On adore d’ailleurs les superbes scènes de nage, qu’il s’agisse d’un lac ou d’une piscine, elles deviennent des parenthèses de calme, presque des refuges.
Love Me Tender
Love Me Tender explore ainsi les différentes façons d’aimer (son enfant, une femme, la liberté) tout en laissant le désir circuler entre identités sans jamais le théoriser. Un film qui touche juste, parce qu’il regarde la complexité du réel sans l’expliquer, mais en l’incarnant pleinement. Présenté à Cannes puis récompensé aux festivals de Rio de Janeiro et de Cabourg, le film marque la maturité précoce d’une réalisatrice à suivre de très près.
Courrez voir Love Me Tender, car comme le disait non pas Elvis mais Bourvil « vivre sans tendresse, on ne le pourrait pas, non non non, on ne le pourrait pas ».
Et pour ceux qui ne veulent pas perdre de vue une actrice incontournable : Vicky Krieps sera également à l’affiche du prochain Jim Jarmusch, Father, Mother, Sister, Brother, attendu en janvier. Vivement !