Tourné avec de jeunes acteurs, « Les Filles Désir » intéresse par le naturel de son propos et la quête d’émancipation de ses personnages féminins.
Le long-métrage nous emmène sous le soleil chaleureux de la cité phocéenne, où nous retrouvons une bande de potes, bousculée dans sa dynamique par des interrogations sur l’amour, la place des femmes dans la société, le sexe et les relations.
Dans cette bande, il y a Ismaël, Tahar, Ali, Momo. Et surtout Omar, mais aussi Yasmine, sa petite copine. La plupart se connaissent depuis l’enfance, travaillent ensemble dans un centre aéré. Ils ont leurs habitudes, leurs blagues et leur vie. Mais le petit équilibre du groupe va se retrouver chamboulé par le retour d’une vieille connaissance, Carmen. Le passé, les rumeurs et le caractère de la jeune femme font parler, et dérangent. Elle, pourtant, ne revient ici que pour échapper au lent cloisonnement qu’elle subit…

extrait du film « Les Filles Désir » © copyright Zinc
Masculinité à outrance
Présenté lors de la Quinzaine des Cinéastes à Cannes, le premier long-métrage de Prïncia Car est le fruit du travail flamboyant qu’elle a mené avec les membres d’une école alternative de cinéma qu’elle a créée, à Marseille. Ces jeunes acteurs, encore inconnus, ont de l’énergie et de l’envie. Il y a ces longues séquences, ces moments où la caméra tourne encore pour mieux capter le naturel, faire jaillir la créativité et la spontanéité de ce groupe qui se connaît bien, sait jouer ensemble, alimente le jeu. De là, une émulation intéressante se crée à l’écran.

extrait du film « Les Filles Désir » © copyright Zinc
Par ses allures de docu-fiction, « Les Filles Désir » veut faire vrai, montre plus qu’il ne raconte. Il capte les effets de groupe, nous plonge dans le quotidien de ces jeunes dominés par la masculinité à outrance et le sexisme crasseux, sans juste milieu entre la « prostituée » et la « bonne à marier ». Le personnage de Carmen les bouscule tous… Même le plus solide du groupe, Omar. Figure paternaliste, il est celui qui canalise les uns et les autres, les tire vers le haut, poussé par une volonté de faire le bien. Le garçon finit par perdre ses repères, malgré sa volonté et ses principes moraux. Et prouve, par son comportement, qu’il reste finalement un peu comme les autres.
La liberté de vivre enfin sa vie
Si « Les Filles Désir » est un film qui parle beaucoup du collectif, on retiendra surtout cette ode à la liberté qui l’envahit au cours de la dernière partie, qu’on regrettera trop tardive, centrée sur les deux filles du groupe. Quand bien même elles seraient rivales dans une société régie par les mecs, elles deviennent les meilleures complices du monde lorsqu’elles se détachent de cette influence masculine sur leurs vies.
Dans leur échappée, Carmen et Yasmine découvrent ce qui les lient, et ainsi nous découvrons leur sororité naissante. S’offre à elles tout un champ des possibles, une envie de vivre leurs propres existences comme elles l’entendent, de bannir les préceptes qui les enferment, si jeunes, si tôt. « On a des rêves dépassés », disent-elles en riant, à propos du mariage et de la religion. Sans révolutionner le genre, « Les Filles Désir » trouve donc toute sa force dans son authenticité et ce vent de liberté féminine qui fait du bien.

extrait du film « Les Filles Désir » © copyright Zinc