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Le Grand Déplacement : Jean-Pascal Zadi perd le Nord… et l’Espace

“Les Africains ne sont pas libres de circuler sur cette Terre… alors vous pensez vraiment qu’on va nous laisser aller sur une autre planète ?”

Dès cette réplique, Jean-Pascal Zadi annonce la couleur : Le Grand Déplacement, son deuxième long-métrage en tant que réalisateur, ne sera pas un film de science-fiction comme les autres. Avec son humour toujours acide et sa volonté constante de questionner la place des Noirs – en France comme ailleurs –, Zadi tente un pari audacieux : envoyer des Africains dans l’espace, pour sauver leur avenir… et leur dignité.

De Tout simplement noir à l’odyssée spatiale

Révélé en 2020 avec Tout simplement noir (César du meilleur espoir masculin à la clé), puis créateur de la série En Place, où il se rêvait président, Jean-Pascal Zadi n’a jamais eu peur de se frotter aux grandes questions d’identité, de racisme et de représentation. Cette fois, avec Le Grand Déplacement, il bascule dans un registre inattendu : la science-fiction. Mais toujours avec les mêmes obsessions : l’Afrique, la diaspora, et cette envie d’en rire pour mieux réfléchir.

Coécrit par Zadi lui-même, le film imagine un futur ravagé par le réchauffement climatique. Alors que les grandes puissances colonisent déjà les planètes “B”, un centre spatial panafricain décide, dans le plus grand secret, de construire un vaisseau – Zion – pour envoyer les meilleurs scientifiques et pilotes africains en mission vers une planète potentiellement habitable : Nardal. À bord de la mission Black Star Line, des personnages aux profils hétéroclites, parmi lesquels Pierre Blé (Zadi), un pilote brillant mais des plus instables.

le grand déplacement

Une idée brillante, un traitement bancal

Sur le papier, le film avait tout pour réussir : un pitch fort, des thématiques brûlantes (colonialisme 2.0, relégation de l’Afrique, urgence climatique), un casting de fidèles (Fary, Fadily Camara, Jean-Claude Muaka, Claudia Tagbo, et même la voix d’Éric Judor), un mélange de genres audacieux. Mais à l’écran, le résultat laisse un goût d’inachevé.

Le principal problème ? Le Grand Déplacement ne sait pas sur quel pied danser. À mi-chemin entre la satire politique, le buddy movie, le drame identitaire et la parodie spatiale, le film enchaîne les ruptures de ton sans jamais réussir à les harmoniser. D’un côté, des clins d’œil appuyés à Star Wars ou Interstellar ; de l’autre, une volonté plus grave de parler de panafricanisme, de mémoire, de survie.

Zadi semble lui-même perdu dans ce grand écart. Son personnage, Pierre Blé, aurait pu être fascinant : un Français d’origine ivoirienne, coupé de ses racines, presque “blanchi” culturellement, confronté à une Afrique qu’il ne connaît pas. Mais à l’écran, il enchaîne les blagues gênantes, souvent mal calibrées, jusqu’à devenir franchement antipathique. L’humour, si percutant dans Tout simplement noir, tombe ici bien trop souvent à plat.

Une direction artistique en décalage

Tourné entre la Côte d’Ivoire et les studios de Bry-sur-Marne, le film offre malgré tout quelques beaux moments de cinéma. Certains plans sont inspirés, et la musique, signée Guillaume Roussel, étonne par son ampleur : envolées orchestrales façon John Williams, nappes nostalgiques et tonalités épiques, presque trop ambitieuses pour un film qui peine à garder son cap.

Autre paradoxe : les meilleurs rôles ne sont pas tenus par Zadi. La chanteuse Lous and the Yakuza, impeccable, et Fadily Camara, touchante, portent le film dès qu’elles apparaissent.

Claudia Tagbo surprend dans un rôle plus grave, prête à tout pour garantir un avenir aux siens. On regrette d’autant plus que leurs arcs narratifs soient noyés dans un montage confus, parfois désordonné. Et malgré sa durée relativement courte (1h30), le film paraît long, comme s’il ne savait jamais vraiment où aller.

De bonnes intentions… mais une mauvaise exécution

Il faut reconnaître une chose à Jean-Pascal Zadi : il ose. Il veut offrir à l’Afrique une place dans les récits futuristes. Il veut briser l’imaginaire occidental où seuls les Blancs colonisent l’espace. Il veut rappeler que “l’Afrique, c’est maintenant”. Mais encore faut-il trouver le ton juste. Et ici, ce grand déplacement finit par tourner à vide.

Après la réussite d’Indomptables de Thomas Ngijol – qu’on avait déjà critiqué iciLe Grand Déplacement peine à suivre la trajectoire ambitieuse du nouveau cinéma africain-français. Zadi a voulu parler de tout – et trop à la fois. Résultat : un film schizophrène, parfois drôle, parfois émouvant, mais jamais vraiment convaincant.

On attend désormais la saison 3 de En Place pour se réconcilier avec son univers.

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