Pour son troisième film en tant que réalisatrice, Hafsia Herzi signe une chronique contemporaine sincère et juste sur l’homosexualité d’une femme tiraillée par son environnement familial et sa foi.
Sensibilité, pudeur et authenticité émanent de LA PETITE DERNIÈRE, très belle œuvre signée Hafsia Herzi, Queer Palm de 2025. En adaptant un roman autobiographique, celui de Fatima Dias, la réalisatrice explore le parcours intérieur d’une jeune femme de 18 ans, Fatima justement. Cadette d’une famille très aimante, elle vit en banlieue dans un environnement baigné de traditions, de religion, mais aussi d’injonctions. Très pieuse, elle est aussi lesbienne. Tout le monde l’ignore, sauf elle. Se joue alors une délicate quête d’émancipation et d’affirmation de soi, de la fin du lycée jusqu’à la première année de fac. Sur cinq saisons – le passage symbolique d’un printemps vers un autre – le personnage principal doit composer, dans une sorte de dualité intérieure permanente, avec l’environnement où elle a grandi et celui dans lequel elle évolue, pour peu à peu assumer la personne qu’elle est au fond d’elle.
Conflits intérieurs
Le style est très naturel, il est au cœur du cinéma de Hafsia Herzi. En voulant se rapprocher au plus près de la réalité, dans une démarche quasi-documentaire, la réalisatrice écarte l’écueil d’un langage patho, d’une mise en scène poussive ou d’une fiction caricaturale. Ici, la réalisatrice réussit son coup, celui de vouloir filmer un quotidien, une chronique contemporaine, avec beaucoup de justesse et de compassion.
La petite dernière ©️ 2025 June films Katuh studio Arte France mk2films
Avec ce film d’intimité, elle aiguise son talent de portraitiste, admirablement épaulée par son actrice, Nadia Melliti, Prix d’interprétation féminine du dernier Festival de Cannes. Le jeu de l’actrice (son premier film !), tout en retenue, incarne la très forte intériorité de son personnage. Fatima marche constamment sur un fil. Sa réserve et sa timidité représentent toutes les dualités, aussi bien intérieures qu’externes, qu’elle peut éprouver. Loin de son milieu d’origine, elle trouve la liberté d’être au plus près de ce qu’elle est.
La petite dernière ©️ 2025 June films Katuh studio Arte France mk2films
En combinant les contrastes, elle se cherche une place. Il y a d’un côté les devoirs familiaux ou religieux. De l’autre, la liberté amoureuse et sexuelle. Si son environnement originel est fait de tabous, où l’homosexualité est une insulte, celui qu’elle découvre est plus extraverti, fait de fierté LGBT. L’émancipation se fait donc à l’ombre de la famille, quand bien même celle-ci se retrouve aimante et présente, notamment dans une scène finale particulièrement touchante. Signe d’un chemin qui n’est pas encore terminé, avec des étapes encore difficiles à surmonter.
Dans les silences et les maladresses de Fatima, le public sourit avec affection. Surtout, l’empathie gagne rapidement son cœur face à ce juste portrait aux contours universels, dans une société pas tout à fait acquise sur certains critères d’affirmation de soi. « Sensibilité, pudeur et authenticité », nous avions dit. Nous sommes conquis.