Avec CONNEMARA, Alex Lutz se focalise sur le poids des considérations sociales dans les relations. Un film au propos attendu, mais qui trouve sa singularité dans ses tonalités dramatiques et la dimension bouleversante des personnages.
Adaptation du livre de Nicolas Mathieu, CONNEMARA marque le retour d’Alex Lutz à la réalisation, deux ans après Une Nuit.
Le film suit le parcours d’une jeune femme, Hélène, incarnée avec intensité par Mélanie Thierry. La quarantaine, la carrière à Paris, les enfants… cette vie bien établie et bien rangée, faite de pressions et d’exigence, l’amène à un surmenage et à une crise existentielle. Elle décide donc, avec son compagnon, de revenir à Epinal, son coin natal.
Dans sa quête d’un nouveau-moi, elle retrouve par hasard Christophe, cet ancien beau gosse du lycée, autrefois champion local du hockey sur glace. En plein divorce, il tente tant bien que mal d’élever son fils et de s’occuper de son père. Hélène et Christophe, aux parcours de vie bien différents, se retrouvent donc autour d’une charge mentale commune, celle de leur quotidien. De là nait une histoire d’amour contre-nature entre les deux êtres…

CONNEMARA – Incognito Pictures – Supermouche Production – Studio Canal – Jean-François Hamard
Une histoire qui viendra sans doute rappeler d’autres films sortis récemment. CONNEMARA souffre automatiquement de la comparaison avec Simple comme Sylvain, et encore plus avec Partir Un Jour, dont l’acteur principal (le génial Bastien Bouillon) campe ici le même rôle ! Même fil conducteur : deux personnes incarnant deux milieux sociaux différents. Même point de vue : celui d’une femme en plein retour aux sources. Même regard : l’incompatibilité amoureuse. Même analyse : le poids des origines sociales.
La romance pour échappatoire
Si le propos est donc attendu, CONNEMARA n’en demeure pas moins pas singulier grâce aux tonalités graves et dramatiques que souhaite imprimer son réalisateur sur la pellicule. Son oeuvre est avant tout une impression de sensations et d’émotions, de flous et de plans serrés, de contact et de couleurs automnales.
Au-delà de la romance, Alex Lutz s’est surtout intéressé à la forte dimension sociale du récit. Sur la manière dont elle s’immisce inévitablement dans le choix de vie de chacun et chacune, quand bien même on essayerait de passer outre… en vain.
Alex Lutz ne s’attarde donc pas à filmer les sempiternelles scènes qu’on trouve dans la plupart des romances de cinéma – et c’est tant mieux -, mais bien à se focaliser sur ce qu’elle dit d’Hélène et de Christophe. En ce sens, les seconds rôles sont d’une importance capitale. Ils viennent nourrir la rencontre amoureuse et la justifier : les confusions et la maladie naissante d’un père (formidable Jacques Gamblin), une vie trop bien rangée et l’aide d’une mère (fantastique Clémentine Célarié) qui ne sait comment se placer face aux choix de sa fille… C’est dans ces séquences-là que le film trouve sa plus grande sensibilité et sa plus grande force. Elles viennent questionner le déterminisme et les choix de vie qui en découlent.

CONNEMARA – Incognito Pictures – Supermouche Production – Studio Canal – Jean-François Hamard
Avec tous ces éléments en fond, la romance n’est plus qu’un échappatoire, une bouffée d’air sans véritable lendemain pour nos deux personnages principaux. « Etre une adulte vient de s’effondrer », dira Hélène, avant de poursuivre : « On se voit, on se fait du bien, à la marge. Le reste ne doit pas empiéter. C’est simple après tout ». Quitte à tomber dans la liaison dangereuse, la double-vie, la remise en question totale du parcours de vie, sans véritable solution.
Les qualités du film étant aussi ses principaux défauts, on regrettera une certaine lourdeur formelle. L’usage très appuyé de certains effets visuels, dès les premiers instants du film, fait parfois pencher le film dans du sur-lyrisme grossier, sinon inutile.
Il n’en demeure pas moins que ce nouveau film d’Alex Lutz reste profondément touchant. CONNEMARA est un beau portrait social, juste et sensible, marqué par l’inévitable poids du fatalisme, qui sera certainement écho à bon nombre d’entre nous.